Au Canada, une femme ou une jeune fille est tuée toutes les 48 heures. Cependant, la probabilité que les femmes autochtones soient victimes de violence dès l’âge de 15 ans, est 3,5 fois plus élevée qu’elle ne l’est pour les femmes non-autochtones.

Ces statistiques alarmantes et des tendances similaires observées ailleurs dans le monde ont poussé les Nations Unies à désigner la violence sexuelle et fondée sur le genre comme une «pandémie évitable».

Ce problème préoccupait Raven Lacerte et son père Paul depuis longtemps lorsqu’ils ont entrepris leur traditionnelle excursion de chasse à l’original en territoire Carrier dans le centre nord de la Colombie-Britannique, près de l’autoroute 16, et ils sont revenus avec l’intention d’agir.

Headshot of Raven

Photo : Raven Lacerte
Source : La Campagne Moose Hide


Ce tronçon, également appelé «route des larmes», a été surnommé ainsi en raison des dizaines de femmes et de jeunes filles, pour la plupart autochtones, qui ont disparu ou qui ont été retrouvées assassinées le long de cette route.

Mme Lacerte, membre de la Nation Lake Babine, raconte qu’elle et ses trois sœurs ont grandi conscientes du fait qu’en étant femmes et visiblement autochtones, la probabilité d’être victimes d’une quelconque forme de violence était très élevée.

Pendant leur excursion en 2011, Mme Lacerte et son père ont eu l’idée de créer la Campagne Moose Hide dans le but de sensibiliser les communautés, y compris les hommes et les garçons, à la violence fondée sur le genre et de les inviter à travailler ensemble pour y mettre fin. Le duo père-fille a créé des épinglettes carrées en peau d’original en guise de symbole de la lutte contre cette forme de violence.

«Nous espérions pouvoir mettre fin aux cycles de violence présents dans nos communautés, changer nos sentiments et notre façon de penser à l’égard des femmes et des enfants, particulièrement les femmes autochtones, et comprendre la source de ces comportements», indique Mme Lacerte.

La campagne puise ses racines dans les façons d’être et les méthodes d’apprentissage traditionnelles des Autochtones. L’orignal a été une importante source de nourriture pour les communautés autochtones, qui se servaient également de la peau de l’animal pour confectionner des vêtements. L’épinglette en peau d’orignal se veut donc un hommage à la tradition et une réparation des effets des pensionnats.

«Ma communauté provient d’une société matrilinéaire où les femmes étaient tenues en grande estime. Mais, cette estime s’est perdue au fil du temps.»

Crowd marching

Source : La Campagne Moose Hide


Au début, la Campagne Moose Hide était un mouvement à petite échelle. Mme Lacerte et sa famille ont écrit des milliers de lettres à la main et confectionné des milliers
d’épinglettes qu’elles ont tannées et coupées elles-mêmes. Depuis, l’initiative a pris de l’ampleur pour devenir un mouvement national. En effet, plus de six millions d’épinglettes ont été distribuées gratuitement, partout au Canada, pour sensibiliser à ce problème de longue date et instaurer un dialogue ouvert à propos de cet enjeu.

L’étude menée sur l’incidence de le mouvement montre que chaque épinglette en peau d’orignal entraîne au moins cinq conversations sur la violence fondée sur le genre.

«Nous voyons l’épinglette en peau d’orignal comme une sorte de remède, et nous nous sommes donc engagés, à partir de ce moment, à toujours les offrir gratuitement, explique Mme Lacerte, qui souligne que l’organisme propose également une version synthétique de l’épinglette pour les personnes qui ne veulent pas porter de cuir. Nous tenons à ce que l’expérience soit aussi simple et accessible que possible pour tout le monde.»

«La Journée de la campagne Moose Hide est un événement annuel qui se déroule au mois de mai, à l’occasion duquel les Canadiennes et les Canadiens sont appelés à porter leur épinglette et à se rassembler – virtuellement ou dans leur communauté – pour tenir des événements portant sur cet enjeu et trouver des solutions. Les participants sont aussi invités à observer un jeûne, une pratique traditionnelle de la culture autochtone, pendant cette journée ou de la façon qui leur convient le mieux», souligne-t-elle.

Woman handing out pins

Source : La Campagne Moose Hide


Cette année, la cérémonie aura lieu le 16 mai. Divers événements seront tenus, comme la diffusion de la cérémonie en direct de Victoria, en Colombie-Britannique, qui mettra en vedette Raven Lacerte elle-même et d’autres conférenciers et conférencières, notamment des aînés, des gardiens du savoir et des personnes qui viendront faire part de leur expérience face à la violence fondée sur le genre. L’année dernière, un demi-million de personnes s’étaient inscrites à la diffusion en direct.

De nombreuses activités, y compris des marches, des ateliers et des cercles de discussion, seront organisées par différents groupes et différentes écoles et communautés partout au pays.

«C’est incroyable de voir les Canadiens d’un océan à l’autre apporter ce remède dans les quelque 2 500 communautés qui ont pris part à la campagne d’engagement jusqu’à maintenant, souligne Mme Lacerte. Le fait d’inviter un si grand nombre de personnes à une cérémonie est une belle réalisation et me remplit d’espoir.»

La Banque Scotia appuie également la Campagne Moose Hide grâce à un investissement communautaire de 150 000 $ sur trois ans. Cet investissement soutient les efforts plus vastes qui sont actuellement déployés au sein de la Banque Scotia pour officialiser sa démarche vers la réconciliation par l’intermédiaire d’un plan d’action pour la vérité et la réconciliation. Lutter pour mettre fin à la crise des femmes, des filles et des personnes bispirituelles autochtones disparues et assassinées en est un élément clé. Le financement pourra aider l’organisme Moose Hide à élargir sa portée et à rassembler un million de personnes pour observer le jeûne lors de la Journée de la campagne Moose Hide d’ici 2028. De plus, des épinglettes en peau d’orignal seront remises aux membres du personnel de première ligne des succursales de la Banque Scotia d’ici la cérémonie du 16 mai.

Woman holding baby and kissing its head in a crowd

Source : La Campagne Moose Hide


«Nous sommes déterminés à apporter notre aide pour mettre un terme à la crise et sensibiliser nos collectivités à ses causes sous-jacentes, annonce Meigan Terry, première vice-présidente et cheffe, Impact social, Durabilité et Communications à la Banque Scotia. Nous tirons notamment profit de notre position d’influence et des réseaux de la Banque, comme les succursales. Et plus important encore, nous donnons les moyens à des organismes partenaires dirigés par des Autochtones et qui ont des effets concrets, comme la Campagne Moose Hide, de poursuivre leurs efforts et d’élargir leur portée.»

À ses débuts, la Campagne Moose Hide avait pour objectif précis d’inviter un plus grand nombre d’hommes et de garçons à mettre fin à la violence envers les femmes et les enfants, plus particulièrement envers les femmes et les enfants autochtones.

C’est en 2011, à l’occasion d’une conférence sur la lutte contre la violence faite aux femmes et aux enfants tenue à Vancouver, qu’il est devenu clair que l’accent devait être mis sur la sensibilisation des hommes et des garçons partout au pays. Près de 300 personnes ont assisté à la conférence, mais seulement quatre des participants étaient des hommes, souligne David Stevenson, chef de la direction de la Campagne Moose Hide.

Il était l’un des quatre hommes présents, aux côtés de Paul Lacerte, le père de Raven, qui a participé à la fondation de la Campagne Moose Hide plus tard la même année.

M. Stevenson, qui est d’origine irlandaise, française et haudenosaunee et qui a une longue feuille de route en matière de défense des droits des peuples autochtones, a été impliqué dans la Campagne Moose Hide dès le début, mais en est devenu le chef de direction en 2016.

«Nous nous sommes demandé où étaient passés tous les hommes, raconte M. Stevenson. Pourquoi les femmes portent-elles seules le poids de cette lutte?

La violence fondée sur le genre est le résultat d’un comportement acquis et il est entièrement évitable, ajoute-t-il. La campagne vise à inviter les hommes et les garçons à prendre part à la conversation, au lieu de les tenir exclus.»

Headshot of Dave

Photo : David Stevenson
Source : La Campagne Moose Hide


«Il est très important que les hommes comprennent l’impact de cette violence sur leurs filles, leurs mères, leurs tantes ou leurs sœurs et de le rendre tangible, explique M. Stevenson. Intégrons-les à cette conversation et tâchons de trouver une façon saine et axée sur la croissance de s’attaquer à ce problème, au lieu de simplement punir les auteurs de ces actes.»

Les statistiques montrent également que les femmes et les enfants autochtones sont plus à risque d’être victimes de violence conjugale ou fondée sur le genre. Selon les chiffres, 61 % des femmes autochtones au Canada étaient plus susceptibles d’avoir subi de la violence conjugale au cours de leur vie, comparativement à 44 % pour les femmes non autochtones.

«Les traumatismes qu’ont vécus les peuples autochtones en raison de la colonisation ont causé beaucoup de torts et de douleur et ont mené à un abandon des modes de vie traditionnels, soutient Mme Lacerte.

Plusieurs facteurs bien réels peuvent expliquer cette situation au sein des communautés autochtones, et je crois que des facteurs très similaires sont aussi présents dans les communautés non autochtones», ajoute-t-elle. 

La portée de la campagne Moose Hide s’est élargie au fil du temps, car de plus en plus de personnes de genres et de milieux différents provenant de partout au pays voulaient porter l’épinglette en peau d’original et prendre part au mouvement.

«Nous parlons maintenant de cette épinglette comme d’un remède autochtone dont tous les Canadiens peuvent bénéficier, raconte M. Stevenson. Il s’adresse aux hommes, aux enfants et à tous ceux qui se trouvent à un point ou un autre dans le continuum des genres. Nous sommes en train de créer un espace grâce à notre prise de conscience graduelle.»

Selon Mme Lacerte, le mouvement vise à rassembler les gens de tous les genres et de toutes les générations, autochtones et non autochtones, pour résoudre ce problème dévastateur, mais qui peut être évité.

«Nous avons besoin de tout le monde, dit-elle. Nous sommes d’avis que nous devons tous faire partie de la solution et qu’ensemble, nous réussirons à apporter de véritables changements.»

 

Pour en savoir plus à propos de la commande d’épinglettes en peau d’orignal, pour participer à un événement ou avoir accès à des ressources pour votre communauté, visitez le site Web de la campagne à l’adresse MooseHideCampaign.ca/fr/